Docteur en Géopolitique de l’Université Paris-Sorbonne, chercheur à l’IRIS, auteur de 20 ans après la chute du Mur. L’Europe recomposée, Choiseul, 2009 ; co-auteur avec Gérard-François Dumont de Géopolitique de l’Europe, Sedes, 2009
Histoire stratégique. Presque 20 ans après la fin de la Guerre froide, il est plus que temps de lever certains silences complaisants à propos des dynamiques à l’origine de la Seconde Guerre mondiale.
QUEL est le sens du 70e anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale ? Une semaine après la signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, la Seconde Guerre mondiale débute le 1er septembre 1939. Ce jour, l’Allemagne nazie attaque la Pologne par l’Ouest. Alors que la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne mais abandonnent la Pologne, Joseph Staline attend le moment opportun pour prendre sa part. L’Union soviétique attaque la Pologne le 17 septembre 1939 par l’Est. Dès le 28 septembre 1939, un nouvel accord sur l’amitié germano-soviétique est signé, confirmant le nouveau partage de la Pologne et mettant fin à sa souveraineté. Un des protocoles secrets de ce nouvel accord énonce l’obligation qu’a chacune des deux parties de prendre des mesures pour prévenir et empêcher toute action de la Résistance polonaise. Les parties prévoient des consultations mutuelles à propos de toutes les actions répressives qui leur semblent utiles.
C’est donc bien l’alliance de deux totalitarismes – nazi et communiste – qui est à l’origine du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. En signant le pacte germano-soviétique, J. Staline donne à Adolf Hitler les garanties dont il a besoin pour lancer ses troupes sur la Pologne, puis mettre le monde à feu et à sang. Le Secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique escompte alors pouvoir tirer ensuite profit du chaos pour exporter la révolution.
La Gestapo et le NKVD [1] collaborent activement durant l’hiver 1939-1940. Les points communs entre les deux systèmes totalitaires n’empêchent évidemment pas des différences dans leurs comportements à l’encontre des Polonais. Les Allemands mettent en avant des critères raciaux et les Soviétiques des critères de classes. Cependant, les deux régimes se retrouvent pour chasser avec la dernière énergie le prêtre catholique et le résistant militaire ou civil.
J. Staline met en œuvre l’élimination systématique des élites polonaises. Il fait assassiner – notamment à Katyn – plus de 25 000 officiers polonais. En outre, sa police politique déporte près de 1,7 million de Polonais au goulag. Plus d’un million y périssent. [2]
Ce n’est pas Staline mais Hitler qui prend l’initiative de la rupture. Après avoir écrasé une large partie de l’Europe, Hitler retourne le 22 juin 1941 ses troupes contre l’URSS, avec l’opération Barbarossa. Si on en croit les inscriptions sur les monuments aux morts soviétiques, c’est pourtant seulement en juin 1941 que débute la Seconde Guerre mondiale pour l’URSS. Opération de prestidigitation qui passe à la trappe les responsabilités soviétiques durant vingt et un mois déterminants, entre septembre 1939 et juin 1941. En partie parce que Staline a précédemment décapité son commandement militaire, ses troupes perdent d’abord pied. Le soutien anglo-saxon et le sacrifice de millions de soviétiques renversent progressivement la situation à partir de la victoire de Stalingrad, en février 1943. Staline se met alors en position de force pour obtenir dès la conférence de Téhéran des assurances quant à l’issue du conflit.
Bien qu’adversaire, l’URSS s’associe d’une certaine manière une nouvelle fois à l’Allemagne nazie lorsque Staline ordonne durant l’été 1944 à ses troupes de stopper leur avancée vers Berlin pour laisser aux troupes allemandes tout le loisir d’exterminer les résistants polonais lors de la bataille de Varsovie.
En 1945, l’URSS est pourtant le pays qui reçoit le plus de territoires, s’étendant largement sur ses frontières occidentales, notamment aux dépens des pays Baltes et de la Pologne. En outre, Moscou impose sa mainmise sur l’Europe centrale et orientale… pour plus de quatre décennies. Dans une certaine mesure, Staline a gagné son pari.
En effet, non seulement l’URSS n’a pas été sanctionnée pour son alliance avec l’Allemagne nazie mais elle a été la grande gagnante d’un conflit qu’elle a largement contribué à allumer.
Lever le tabou de la responsabilité du régime soviétique ne retire rien, bien au contraire, au sacrifice humain exigé par Staline auprès de sa population, parfois sortie du Goulag pour combattre l’Allemagne nazie. D’autant que la guerre à peine terminée Staline redonne un tour de vis aux dépens d’une population exténuée.
Voilà le sens stratégique du 1er septembre 1939, un jour clé de l’histoire mondiale et européenne.
Ce n’est qu’en 1989 que le Bloc de l’Est implose et que la Pologne recouvre la liberté. En 1990, les pays Baltes réaffirment leur indépendance. L’Union soviétique éclate en 1991 mais Staline reste aujourd’hui populaire en Russie. Pour combien de temps encore ?
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